Parution : Les carnets d'Histoire de la médecine numéro 6
Date(s)
le 23 mai 2025
Lieu(x)
Site Tonnellé
L'anatomie du coeur, entre textes et images
Rodrigue, as-tu du coeur ?
La littérature comme la philosophie ont fait du coeur le siège des émotions, des sentiments et du courage.
Achille au coeur bouillant, Richard Coeur de lion, Rodrigue en sont quelques exemples illustres. Mais si l’étymologie nous apprend effectivement que « courage » vient de cor (le coeur), l’origine du topique n’est pas claire. On doit la première description anatomique du coeur à un médecin anonyme de l’école hippocratique (fin du IVe s.-début IIIe s. avant J.C.). Les philosophes antiques attribuaient à l’organe des vertus spécifiques de chaleur et d’énergie, quand les physiologistes lui conféraient source de vie et siège de l’esprit vital, et s’attachaient à expliquer ses fonctions. Ces présupposés ont subsisté pendant des siècles. À telle enseigne que cet organe reste de nos jours le réceptacle d’affects positifs, autant à travers le langage (« de tout coeur, le coeur y est, mettre du coeur à l’ouvrage, tenir à coeur », …) qu’à travers la valeur métaphorique qu’il conserve. Le retentissement médiatique de la première transplantation cardiaque réalisée en Afrique du Sud par Christiaan Barnard fin 1967 fut à ce titre emblématique : la fascination qu’une grande partie du monde éprouva alors n’était pas tant liée à la prouesse technique du geste qu’à l’idée d’avoir transféré le coeur même de la vie justement – et l’âme, qui sait ? – d’un humain à un autre. Cet événement qui marqua presque autant les esprits que le premier pas sur la Lune un an et demi plus tard fit de ce chirurgien un héros, en l’occurrence aussi photogénique que Neil Armstrong.
Le portrait du premier fit d’ailleurs la une du magazine Time du 15 décembre 1967, le portrait du second fit celle de Life du 4 juillet 1969, l’un avec un coeur au-dessus de la tête, l’autre dans un quartier de lune. C’est dire la puissance symbolique de cet organe et de cet astre.
Enfin, en ces temps où certains voudraient contraindre et museler la recherche, nous avons également le plaisir de publier deux études inédites que nous ont proposées des médecins-historiens. Elles montrent comment des réseaux ont été constitués et ont agi aux XVIIIe et XIXe siècles en France et à travers l’Europe, et nous invitent à réfléchir sur la nécessaire liberté de diffuser le savoir, notamment dans les sciences médicales.
La rédaction
Jacqueline Vons et Stéphane Velut